Origines du projet

Le sujet était donné, avec un cadre, un objectif et une position initiale. Un voyage scolaire à Verdun, lieu de mémoire. J'ai été amené à produire pendant ces instants des images. Dans les Villages disparus, de par leurs sophistications, ne laissaient aucune expérience. Le fort de Douaumont , brut, à nu, marqué par l'usure du temps, à l'abandon, présentait les marques visibles des mémoires et des oublis. J'ai produit 12 photographies ce jour là, dont 8 sur le site de Douaumont. J'ai laissé une latence de 4 semaines à ma pellicule noir & blanc. J'ai parallèlement commencé un travail d'écriture manuscrite, de notation, à chaud.
2 clichés sur 8 attiraient mon attention.
Ils furent à la base de ma réflexion.
Ces deux instants étaient séparés de 10 secondes.
La prise de vue variait de moins de 2 mètres.
Les images montrent 4 individus désorientés dans un paysage vierge et désolé.

Intentions

Comment parler d'une mémoire qui ne vit pas en nous ? Sur quelles bases vivantes peut-on parler de cette mémoire de guerre ? De quel droit, et comment parler d'une mémoire de mort ?

A propos du dispositif

Il est proposé un dispositif expérimental à regarder. Ce dispositif interactif utilise uniquement la souris, l'écran et un regardeur. Il permet au regardeur de naviguer, de lire dans une photographie. Le regard est guidé par un cadre, une image incomplète.
Une image incomplète, avec des mots, des caractères, des pixels, tous aussi incomplets. La lecture ne se fait pas sur l'Histoire mais dans l'histoire. Le choix du média est essentiel. Je peux caractériser le médium employé par plusieurs mots : numérique, reproductible, NONdégradable, dégradé, abstrait, lumineux, sans support, net.art, Open Source.
L'attitude et l'expérience du regardeur ne dépendent que de lui-même. L'attitude et l'expérience durant l'écriture étaient utopiquement la même. Pourtant, l'expérience et la sensation sont capitales.

Regard orienté

Pourtant. &.
Voici le message que je confie au regardeur.
Je ne peux qu'orienter. Dire ce qui se laisse entendre.
Je ne refuse pas le dialogue. Je préfère dire que je n'y crois pas.
Je parle d'une guerre; d'une guerre ?
mes oeillères sont des oreilles d'éléphant.

Regard perdu

Les textes parlent d'eux-même. Les textes explorent l'Histoire. Ils contextualisent, Ils situent. Mais ils restent distants, ils mélangent les histoires et l'Histoire, à l'histoire du regardeur. Ils tutoient, vouvoient, jejoient ? Les questions affirment et les réponses questionnent.
L'écriture proposée est manuscrite. Elle permet une libération à elle-même. Elle est temporairement lente, temporairement spontanée. Le chemin est tactique, sans stratégie de lecture/écriture. L'écriture détruit le sens des textes, des phrases, des mots, des caractères.
Si on peut dire que la narration est non-linéaire, l'exploration de la surface verticale et temporelle permet une approche surfacique de l'Histoire, avec un H, petit ou grand. L'image propose plusieurs dimensions. la première est la dimension de surface. On peut voir un espace plan vertical, euclidien, le Nord Sud Est Ouest. L'autre dimension, plus hyperbolique, est celle qui lie le regardeur à la dimension de surface. Cette dimension use du temps, du rapport entre la vérité et l'instant, ainsi que du regardeur face à lui-même. L'écriture, en tant que stock mnémonique sert l'oubli. L'histoire que j'écris commence et se termine. Elle commence par une volonté de lecture, mais elle se termine par une volonté d'oubli. Je sais seulement que ce que j'écris va être oublié. J'écris pour être oublié.
Pourquoi écrirais-je autre chose, personne ne la lira

L'histoire est un perpétuel recommencement.
 Thucydide, 5ème siècle av. J.-C.

Regards croisés

Autre regard qu'est celui porté sur les croix. 300000.php .
script minimal, page maximale.
La froideur, la rigidité, l'aspect numérique ne peuvent que laisser un terrain énorme à l'interprétation. Chaque élément, si minimal soit-il, prend un sens à la lecture. Ce travail complète et renforce les idées du premier volet. Les deux travaux partagent des codes. Ils revendiquent tout deux une information incomplète, noyée, mais non illisible.